Alphonsine Petite plume
Messages : 240 Date d'inscription : 27/02/2015
| Sujet: Quelques exemples d'ateliers pour ceux qui hésitent Sam 4 Avr - 14:13 | |
| Pour vous donner une idée de ce qui se trame en secret dans les sections invisibles. ATELIER #01 - Citation :
- La consigne : Écrivez un texte inspiré de cette citation de Gabriel de Lautrec : "Les choses savent qu'elles doivent être légendaires et s'y conforment." (Éloge, 1898).
Le texte pourra ou non intégrer la citation. Genre littéraire libre. Exemple de participation : - Chat Bleu:
Je regarde un pan de mur, et je me dis : je vais écrire la légende de ce pan de mur, il doit en avoir vu, des choses, toutes sortes de choses, ce pan de mur, que n'aurait-il pas à raconter ! Je regarde donc ce pan de mur. Je le regarde, et je me demande ce qu'il a bien pu voir, et il s'en fiche complètement, lui, de ce qu'il a pu voir. Il s'en fiche encore plus, certainement, que je le regarde comme ça, fixement, que je l'interroge de mon regard insistant, pour écrire sa légende. Oui, il s'en fiche complètement, cet impertinent ! Je continue à le regarder, je ne vais tout de même pas abandonner aussi facilement, non non non, il ne me fera pas abandonner aussi facilement ! Je continue à regarder le pan de mur, et il ne se passe rien. Rien de rien. Je commence, il faut bien le dire, à être quelque peu abasourdie par l'effrayante obstination de ce pan de mur à n'être qu'un bête pan de mur. Un pan de mur. Un pan de mur, et c'est tout. Oui, je suis parfois effrayée par l'extraordinaire obstination des choses à être ce qu'elles sont, l'effroyable résistance de la réalité à toute tentative d'intrusion d'autre, de nouveauté. Pourquoi ce pan de mur ne se mettrait-il pas à onduler, à rêver d'être une vague ? Mais non, il ne le fera pas ; c'est contre sa nature de pan de mur et, sous ce prétexte quelque peu ridicule, il ne le fera pas. Il n'en a même pas la tentation, sa nature de pan de mur ignore sans doute ce qu'est la tentation. Mais peut-être que si j'arrêtais de le regarder, si je détournais les yeux, si je lui rendais la liberté au lieu de le contraindre sous mon regard, peut-être qu'il se mettrait alors à onduler, ou autre, peut-être qu'il rêverait d'être tout autre-chose qu'un pan de mur, et qu'il s'y essaierait ? Comment savoir ? Je le quitte du regard, je fais mine de penser complètement à autre-chose, pendant un moment… Oui oui, je t'ai complètement oublié, petit pan de mur, tu peux faire ce que tu veux, maintenant… Ha ! Je me retourne brusquement vers lui, pour le surprendre. Raté. Il n'a pas bougé d'une miette, il est toujours aussi irrémédiablement pan de mur. En apparence du moins, il n'a pas bougé, il n'a même pas esquissé le moindre petit début d'envie de mouvement. Mais qui sait ? Peut-être qu'il est juste plus rapide à reprendre son air innocent que moi à me retourner ? Qu'à cela ne tienne, je n'ai pas dit mon dernier mot ! Je m'éloigne, l'air de rien. Je vais lui laisser plus de temps pour se croire tranquille, je vais redoubler de ruse… Je m'en vais à un endroit où je suis totalement cachée de lui, et j'attends un long moment, pour qu'il puisse me croire complètement partie ailleurs… Puis : Ha ! Raté, encore. Flûte. Je continue le même genre de manège pendant un bon moment. S'il discute dans mon dos avec les autres pans de mur, il doit bien se moquer de moi ! Je redouble de prudence, je me mets pieds nus et je retiens ma respiration pour qu'il ne puisse pas s'apercevoir de ma présence, je l'épie par un trou de serrure, j'installe en cachette une caméra infrarouge pour l'espionner pendant la nuit… Rien. Rien du tout. Il faut bien finir par se rendre à l'évidence : ce diable de pan de mur s'obstine à rester un pan de mur. D'accord. J'admets, pan de mur, tu es uniquement et tout simplement un pan de mur, sans secrète velléité d'être autre-chose, sans autre ambition, et tu n'accordes aucune importance à tout le reste. Tu es un pan de mur. Pour m'excuser de l'avoir injustement soupçonné et épié, pour rendre hommage à son exemplaire obstination, je lui fabrique un petit écriteau : « Ce pan de mur est simplement un pan de mur. N'attendez rien d'autre de lui. » Voilà, c'est tout ce que l'on peut, tout ce que l'on doit dire sur lui, je crois.
Cependant, je ne peux pas m'empêcher de penser que peut-être, derrière mon dos, ce pan de mur joue à onduler dans le vent, comme un drapeau, ou ce genre de chose, et qu'il a seulement été plus malin que moi. Je ne le saurai jamais.
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